(4 épisodes), Réécouter Comment faire face, Levinas ? Je perçois l’une, je perçois l’autre. Or, Lévinas conteste que le visage puisse être réduit à une tête. A l’évidence, nous voyons le visage d’autrui puisqu’il apparaît dans le monde sensible. Lévinas montre dans ce passage que la personne d’autrui fait exception par rapport à toutes les autres réalités. De Totalité et infini (1961) à Autrement qu'être (1974), qui caractérisent l'existant humain dans le champ de l'éthique , Levinas développe une phénoménologie nouvelle qui s'écarte d'une stricte ontologie pour redéfinir la notion de « sujet ». Que révèle l’expérience banale de la rencontre d’autrui ? Or, comme on l’a signalé, autrui ne peut être l’objet d’un savoir, et ce en raison de son altérité, de son étrangeté radicale. Mais selon Lévinas, ce n’est pas seulement Dieu qui m’ordonne de renoncer à ma violence, de résister à la tentation du meurtre, ce n’est pas une autorité supérieure à moi qui m’interdit de tuer. H AH Humanisme de Vautre homme, Montpellier, Fata Morgana, 1973. « Le sens de quelque chose, écrit Lévinas, tient dans sa relation à autre chose ». Déplier tout. Ainsi, par sa vulnérabilité, le visage s’expose à ma violence et tout ensemble m’ordonne : « tu ne commettras pas de meurtre. Emmanuel Lévinas Ethique et infini Emmanuel Lévinas se raconte, s'explique, passe au crible de l'analyse les principaux thèmes de sa philosophie. Réécouter Pourquoi aimions-nous tant Jean-Pierre Bacri ? Et il convient aussi de se demander ce que recouvre la notion d’éthique. Aujourd’hui, au micro : le philosophe et professeur en terminale au lycée Duplessis-Mornay de Saumur, Francis Métivier, également auteur de Rock n’ philo qui vient de paraître aux éditions J’ai lu. Il est ce qui ne peut devenir un contenu, que notre pensée embrasserait; il est l'incontenable, il vous mène au-delà. » « Toi, c’est toi. Pourquoi en est-il ainsi ? » Par cette remarque, Lévinas suggère l’idée d’un absolu de la personne d’autrui. La peau du visage est celle qui reste la plus nue, la plus dénuée. aucune diférence terminologique dans Totalité et Infini entre miséricorde ou charité, source d'un droit d'autrui passant avant le mien, d'une part, et la justice, d'autre part, où le droit d'autrui mais obtenu après enquête et jugement s'impose avant celui du tiers. Levinas, Emmanuel. Ils suivent le développement de la pensée de Levinas … Il est « sans défense », sans protection. Frédéric Worms, Levinas a accompagné des grands moments de la philosophie française : dans les années 30 quand il arrive il apporte avec lui la phénoménologie mais aussi la question de l’existence, la question du rapport de la conscience au monde et finalement il est le contemporain immédiat de Sartre avec qui il partage l’essentiel ; dans les années 60-70, par sa théorie de la différence il accompagne la critique de la métaphysique qui devient dominante en France mais vraiment c’est quand la question morale revient par-delà la critique retrouver un fondement de la morale qu'il devient absolument central. La plus dénuée aussi : il y a dans le visage une pauvreté essentielle ; la preuve en est qu’on essaie de masquer cette pauvreté en se donnant des poses, une contenance. Ethique et infini. Qu’est-ce que le visage ? Nous cherchons souvent à nous soustraire aux regards des autres. Dans un premier temps, qui correspond au premier paragraphe, Lévinas commence par écarter le sens que l’opinion commune peut donner à la notion de visage, et cette critique va permettre à l’auteur, dans un deuxième temps (le deuxième paragraphe), d’indiquer positivement ce qu’est le visage. Chanson de début d'émission : Les Beatles, Archive interview avec le fils d'Emmanuel Levinas, Michaël Levinas. Emmanuel Levinas est le philisophe de l'éthique, sans doute le seul moraliste de la pensée contemporaine. La relation avec le visage peut certes être dominée par la perception, mais ce qui est spécifiquement visage, c’est ce qui ne s’y réduit pas. Se vêtir, c’est se cacher et c’est empêcher l’autre de m’atteindre dans mon intimité. Il y a donc une hauteur de l’autre – ce qu’on peut appeler une transcendance – puisqu’il me commande comme un maître, et en même temps une pauvreté à laquelle je dois répondre. » Il est possible de chercher à vérifier ce que dit Lévinas à propos de l’interdit du meurtre que le visage signifierait. "Je pense […] que l’accès au visage est d’emblée éthique. Levinas Emmanuel. Né en janvier 1906 en Lituanie, il étudie la philosophie à Strasbourg entre 1923 et 1930, séjourne en Allemagne à Fribourg auprès de ses maîtres en philosophie, Husserl et Heidegger, puis revient en France où il est naturalisé Français en 1930 et où il poursuivra sa carrière de professeur de philosophie à l'Université de Poitiers, de Paris Nanterre et à la Sorbonne. C’est lorsque vous voyez un nez, des yeux, un front, un menton, et que vous pouvez les décrire, que vous vous tournez vers autrui comme vers un objet. On peut aussi prendre l’exemple de romans et de films comme La Bête humaine de Zola adapté au cinéma par Renoir puis par Fritz Lang sous le titre Désirs humains . Il interprète des formules de tous les jours comme le « Bonjour », « Après vous », cela résume toute sa philosophie : passer après l’autre… Ou bien la rencontre d’un visage, il dit : quand je croise un visage humain je ne peux pas m’empêcher de me demander ce qu’il va me demander ou me dire. Qu’entend-il par-là ? C’est en ce sens que la signification du personnage ne se déduit que du contexte social dans lequel il est inséré. Dans ces lignes extraites d Éthique et infini. Extrait On peut dire que le visage n'est pas « vu ». Maintenant disponible sur AbeBooks.fr - Couverture Souple Illustrée - Editions Fayard / France Culture, Paris - 1982 - Etat du livre : Très bon - Edition originale publiée dans la collection "L' espace intérieur" et achevée d' imprimer le 22 avril 1982. Cette relation avec autrui, répète Lévinas à la fin de ce passage, est une « relation d’emblée éthique ». Il fait signe vers l’idée de dignité, de grandeur, d’élévation de la personne d’autrui. Tuer, c’est détruire, c’est faire passer l’être vivant et mortel à l’état de cadavre, autrement dit de chose. Dans un extrait de Ethique et infini , Emmanuel Lévinas s’interroge sur le sens de la relation avec autrui. Nous comprenons qu’un visage, selon la philosophie de Lévinas, ce n’est pas une tête, autrement dit « des yeux, un front, un menton », ce n’est pas cet objet que nous percevons par la vue, cet objet que l’on peut décrire. Assurément, cette pauvreté n’est pas économique. Épisode 3 : Sommes-nous prisonniers de la totalité ? Quantité disponible : 1 . Et il convient aussi de se demander ce que recouvre la notion d’éthique. En partenariat avec Philosophie Magazine, premier temps de notre série consacrée à une figure majeure de la philosophie du XXe siècle : Emmanuel Levinas, penseur de l'altérité, de l'hospitalité et de la responsabilité, et plus que jamais d'actualité. Telle est finalement la définition de l’éthique : l’autre c’est celui qui m’oblige infiniment. "Ethique et infini" réunit dix entretiens (diffusés sur France-Culture en 1981) dans lesquels le philosophe Emmanuel Levinas, guidé par les questions de Philippe Némo, dégage le sens général de son oeuvre. La Bruyère, quel caractère ! Du point de vue de la perception, y a-t-il une différence entre la perception que j’ai d’une chaise par exemple, et la perception que j’ai de votre visage ? Le Livre de Poche. » Ce commandement – le sixième du Décalogue (les dix paroles) – est fondateur de l’humanité. Bien sûr parce que nous sommes, en raison même de notre vulnérabilité, menacés. Nous faisons l’expérience de la droiture du visage de l’autre lorsque nous le regardons en face. Cette nudité n’est pas seulement physique : il s’agit aussi d’un dénuement au sens d’une misère. « Il y a d’abord la droiture du visage, son exposition droite, sans défense. Ce qui pour Lévinas atteste ce dénuement, cette fragilité, c’est le fait que nous nous efforçons de la cacher : on se donne des poses. Et pourtant regarder un visage, cela ne revient pas à regarder un objet. La .notion éthique générale de Toi, c’est toi. La fin du texte réaffirme la thèse énoncée au début : « la relation au visage est d’emblée éthique. Que faire face à cette parole, si ce n’est répondre ? Il indique que la personne d’autrui transcende le monde sensible : « on peut dire que le visage n’est pas “ vu ”. Afin d’examiner plus précisément cette signification du visage, il faut reprendre la distinction développée par Lévinas en troisième partie entre le visage et le personnage social. Éthique et Infini rassemble des dialogues d'Emmanuel Levinas et Philippe Nemo enregistrés par France Culture en février-mars 1981. La chaise a un dossier rouge, vous avez des yeux bleus. Qu’est-ce qu’un personnage ? A la différence des personnes, les choses sont en mon pouvoir. Le livre est paru pour la première fois en 1982 aux éditions Fayard.. Les deux hommes discutent des grandes lignes de la philosophie de Levinas au travers de 10 entretiens. Les deux mots, personne et personnage, viennent du latin personna ; ce terme désigne le masque de théâtre au travers duquel résonne la voix de l’acteur. « Le meurtre exerce un pouvoir sur ce qui échappe au pouvoir » (Totalité et infini , p. Nous ne rencontrons donc non pas une personne dont la valeur serait absolue, mais ce que Lévinas appelle un « personnage », à savoir quelqu’un qui assume une fonction sociale, plus ou moins prestigieuse : professeur à la Sorbonne ou vice-président du conseil d’Etat. Mais ce n’est pas à partir de la perception visuelle qu’on peut découvrir sa signification. … Réécouter Qu’est-ce que la pop’philosophie ? Supposons un homme menacé par un autre. La tentation du meurtre existe. Les choses sont là, sous la main, je les utilise. Levinas fait ici de la morale une règle absolue, qui définit l'existence et la relation à autrui ; qu'il appelle la responsabilité-pour-autrui. S’il y a une pauvreté essentielle – inséparable de la personne d’autrui –, c’est d’abord parce que l’autre est mortel, et, on l’a dit, exposé à ma violence. La personne ne se réduit ainsi pas à sa fonction sociale. C’est peut-être pour cela que Giacometti a été amené à allonger ses statues d’où se dégage le sentiment tout ensemble d’une dignité et d’une fragilité. C’est précisément en raison même de son altérité qu’autrui échappe à mon pouvoir. En ce sens, on peut dire que le visage n’est pas « vu ». Et c’est aussi pourquoi autrui est le seul être que je peux vouloir tuer. Réécouter Deux nouveaux variants du SARS-CoV-2 découverts aux Etats-Unis, Deux nouveaux variants du SARS-CoV-2 découverts aux Etats-Unis, Réécouter Génocide des Tutsis au Rwanda : la France impliquée mais pas forcément là où on l'attendait, Génocide des Tutsis au Rwanda : la France impliquée mais pas forcément là où on l'attendait, Réécouter Pandémie : des étudiants sacrifiés, "Le paradoxe de la tolérance" ou les limites de la démocratie selon Karl Popper, Philosophie Magazine Hors-série n°40 : Emmanuel Levinas, Totalité et infini : essai sur l'extériorité, Autrement qu'être ou au-delà de l'essence, La philosophie en France au XXe siècle : moments, Profession philosophe (71/100) : Sandra Laugier : "C’est dans les détails de la perception du langage qu'émerge la philosophie", Profession philosophe (78/100) : Mathilde Marès : "J’ai reconnu la philosophie comme on reconnaît quelque chose qu’on a en soi", Quand la philosophie était pornographique…. C’est en s’interrogeant sur le sens de ce que Lévinas appelle le visage que l’on pourra préciser la signification du concept d’éthique. Nous nous habillons non pas seulement pour des raisons thermiques, pour nous protéger du froid, mais d’abord pour cacher notre nudité, pour nous dérober au regard d’autrui. Même le visage du riche est caractérisé par son dénuement. D’ordinaire, on est un « personnage » : on est professeur à la Sorbonne, vice-président du Conseil d’Etat, fils d’untel, tout ce qui est dans le passeport, la manière de se vêtir, de se présenter. Toutefois, tuer ne permet même pas d’exercer vraiment un pouvoir sur autrui : tuer, ce n’est pas dominer, mais anéantir. Plus tard, il a été introduit au Talmud par l'énigmatique « Monsieur Chouchani ». Aux yeux du philosophe, l'expérience d'autrui se traduit par le visage, non pas au sens propre, mais comme l'expressif de l'autre, qui renvoie à sa responsabilité. 2 E. Levinas, Ethique et infini, Dialogues avec Philippe Nemo : « L’espace intérieur » 26, Fayard, France Culture, émission du 5 mai 1982. Qu’entendre par cette analyse qui commence par souligner la droiture du visage ? 2 … Il y a donc une autorité qui provient de la personne d’autrui qui est infiniment démunie. Dans cet extrait, la relation avec la personne de l’autre est placée sous l’horizon de la non-violence : le visage, explique Lévinas, interdit de tuer, m’adresse cette parole qui est un commandement : « Tu ne tueras point. En quoi consiste donc la relation au visage, puisque cette relation n’est pas de même nature que la relation que nous entretenons avec toutes les autres réalités ? Livre : Livre Ethique Et Infini. » Le lecteur peut s’interroger sur ce que l’auteur entend par ce mot de la langue courante : le visage. Lectures de Totalité et Infini. Nous voyons dans un visage un front, deux yeux, un nez une bouche. Le visage est découvert – ou à découvert – et à ce titre vulnérable. « Le visage d’autrui est sens à lui seul. Or, la tentation du meurtre est d’autant plus forte que ce que l’autre me donne à voir de lui, c’est précisément sa pauvreté, son dénuement, sa détresse, sa mortalité. Voir, c’est déjà savoir et c’est s’approprier l’objet que l’on voit. Emmanuel Lévinas est le philosophe de l'éthique, sans doute le seul moraliste de la pensée contemporaine. Et qu’est-ce qui distingue le personnage de la personne d’autrui ? Toute la semaine, des professeurs de terminale corrigent sujets de dissertation et explications de texte en compagnie d'Adèle Van Reeth. Le visage n’est pas le seul lieu de l’éthique … Tant qu’autrui est vivant, je ne peux le dominer tout à fait : il échappe toujours à la tentation que je peux avoir de l’asservir. Par Adèle Van Reeth, Réalisation : Nicolas Berger et Mydia Portis-Guérin, Prise de son: Jean-Pierre Pernel et Gilles Maney, > Retrouvez, sur la chaîne Campus du Monde.fr, infos et conseils pratiques sur le bac, l'orientation et la vie étudiante http://campus.lemonde.fr/bac-lycee Dialogues, Avec Philippe Nemo en livraison rapide, et aussi des extraits et des avis et critiques du livre, ainsi qu'un résumé. Ce n’est pas un sursaut de la conscience morale qui empêche de tuer, mais c’est la fragilité de l’autre qui, littéralement, désarme le meurtrier. Emission en partenariat avec Philosophie Magazine qui consacre son dernier hors-série à Levinas. Qu’est-ce que tuer et pourquoi chercher à tuer autrui ? Qu’est-ce qu’une éthique ? Noté /5: Achetez Ethique et Infini de Levinas, Emmanuel: ISBN: 9782253034261 sur amazon.fr, des millions de livres livrés chez vous en 1 jour Pourquoi peut-il affirmer que « l’accès au visage est d’emblée éthique » ? Éthique et Infini est un livre d'entretiens entre Emmanuel Levinas et Philippe Nemo, qui avaient été enregistrés et diffusés par France Culture. Bien des récits de guerre attestent qu’il est difficile de tuer quelqu’un qui vous regarde en face (Voir le livre d’Emilio Lussu, Des hommes contre ). Lorsque nous rencontrons quelqu’un, nous rencontrons une personne qui est insérée dans la société, qui y occupe une place, qui exerce une fonction. » (Salomon Malka, Lire Lévinas , éd. Après avoir écarté une fausse signification de ce qu’est le visage, Lévinas, dans un paragraphe bref et dense, expose les caractéristiques propres du visage. Dans une langue lumineuse, le voyage à l'intérieur de l'oeuvre de l'un des grands moralistes de ce temps. Dialogues avec Philippe Nemo, Emmanuel Lévinas précise la signification éthique du visage d'autrui. Le dernier paragraphe renforce l’argumentation en exposant la distinction entre le personnage – le rôle social que nous jouons – et la personne, unique et irremplaçable, dont la valeur est absolue. Réécouter Deux nouveaux variants du SARS-CoV-2 découverts aux Etats-Unis, Deux nouveaux variants du SARS-CoV-2 découverts aux Etats-Unis, Réécouter Génocide des Tutsis au Rwanda : la France impliquée mais pas forcément là où on l'attendait, Génocide des Tutsis au Rwanda : la France impliquée mais pas forcément là où on l'attendait, Réécouter Pandémie : des étudiants sacrifiés, "Le paradoxe de la tolérance" ou les limites de la démocratie selon Karl Popper, > Philosophie, histoire, sciences, économie... révisez le bac avec France Culture. Mais les seules parties du corps que nous laissons nues sont les mains et le visage. » Qu’entendre précisément par là ? « Il y a dans le visage une pauvreté essentielle. Ma relation avec un objet se réduit à la perception que j’en ai : il s’agit d’une relation de connaissance, d’appropriation, d’usage. du Cerf, p. 22). S’il en est ainsi, c’est parce que le visage est, au sens propre du terme, nu. Éthique et Infini est un livre d'entretiens entre Emmanuel Levinas et Philippe Nemo, qui avaient été enregistrés et diffusés par France Culture. La signification du personnage n’est pas absolue, mais relative. Levinas a accompagné des grands moments de la philosophie française : dans les années 30 quand il arrive il apporte avec lui la phénoménologie mais aussi la question de l’existence, la question du rapport de la conscience au monde et finalement il est le contemporain immédiat de Sartre avec qui il partage l’essentiel ; dans les années 60-70, par sa théorie de la différence il accompagne la critique de la métaphysique … Pourquoi ? Les animaux ne sont pas comme les humains, d’ailleurs, ils ne sont pas responsables de nous. Tuer, c’est absolument nier l’altérité de la personne d’autrui. Être en relation avec autrui c’est être interpellé par cette parole très ancienne qui se trouve être un commandement : « tu ne tueras point. Lorsque nous rencontrons une personne et que nous en parlons, nous pouvons en faire le portrait, décrire les caractéristiques physiques de la personne, décrire la forme du visage, la couleur des cheveux, des yeux, etc. Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de violence. » Le lecteur ne peut-être que déconcerté par cette thèse qui ne semble pas s’appuyer sur notre expérience quotidienne. Emmanuel Levinas, né le 12 janvier 1906 à Kaunas et mort le 25 décembre 1995 à Paris, est un philosophe d'origine lituanienne naturalisé français en 1930. Frédéric Worms, Levinas quitte la Lituanie, passe par l’Allemagne philosophique, arrive en France puis on a l’impression que c’est une voie royale universitaire mais il y a quelques épisodes compliqués dans sa vie… : la Seconde Guerre mondiale qui vient l’ébranler en profondeur et ébranler son rapport à la France mais en même temps le renforcer, et il y a ensuite l’après-guerre où il développe peu à peu sa propre philosophie qui éclate dans les années 60, mais la vraie reconnaissance, en un sens comme Paul Ricoeur -un de ceux dans la philosophie française qui l’ont accompagné-, c’est dans les années 80-90 : le moment de l’Ethique, le moment Levinas. TI Totalité et Infini. Une dose quotidienne de culture et de savoirs. Ethique et Infini (1982). L’altérité d’autrui se manifeste d’abord par le fait que je ne peux pas comprendre l’autre au sens où comprendre c’est prendre avec, c’est-à-dire englober, assimiler, ramener au même. Littéralement, le visage, c’est ce qui me désarme parce que c’est la réalité la plus désarmée qui soit. Qu’est-ce qui différencie le regard que je pose sur les personnes du regard que je pose sur une chose que j’observe pour la connaître ? Mais ici, il ne s’agit donc pas d’une morale qui nous prescrirait ce qu’il faut faire ou ne pas faire, mais plutôt d’une interrogation qui vise à élucider le sens de la relation avec autrui. La conscience d’autrui, qui fait que l’autre est un sujet, est à jamais inaccessible à la mienne. Il ne s’agit pas ici de proposer une morale, avec ses règles et ses normes, mais de proposer une description de ce qui se passe lorsque nous rencontrons autrui, lorsque nous sommes face au visage de l’autre. Emmanuel Lévinas est le philosophe de l'éthique, sans doute le seul m Mais bien que l’étymologie soit commune, les deux mots s’opposent. L’autre n’est donc pas objet, mais sujet , et, parce qu’il n’est pas moi, il est un sujet absolument étranger au sujet que moi je suis. » Il y a donc d’un côté l’ensemble des réalités, des choses, des institutions, qui sont là et qui forment une totalité que le savoir peut englober, et, de l’autre côté, la personne d’autrui qui ne se laisse pas enfermer dans cette totalité. Biblio essai. Dans une langue lumineuse, le voyage à l'intérieur de l'oeuvre de l'un des grands moralistes de ce temps. (1/4) : Portrait d’un philosophe captif, Emmanuel Levinas par Mathilde Tollec alias Fogma. La peau du visage est nue mais, précise Lévinas, « d’une nudité décente » : cette remarque nous fait comprendre que nous ne sommes pas enclins à vêtir un visage qui peut rester nu, qui n’a pas de raison de se cacher puisqu’il n’y a pas lieu d’avoir honte de la nudité de son visage. Sa thèse est d’autant plus paradoxale qu’en plus de dire que le visage, en un sens, n’est pas « vu », il ajoute que tout en interdisant de tuer, le visage appelle à un acte de violence. Sigles employés : AE Autrement qu'être ou au-delà de l'essence, La Haye, Martinus Nijhoff, 1974. Or, répondre à celui qui me parle, c’est déjà répondre de lui. Vers France Destinations, frais et délais. C’est autrui, dont le visage se caractérise, on l’a vu, par la nudité, le dénuement, la misère, la mortalité. Avril 1984. (3/4) : “Tu es grand, tu es puissant : ce n’est pas assez”. Par cette remarque, Lévinas annonce la troisième partie. Mais si le sens du visage d’autrui ne se donne pas à moi par la perception que j’en ai – s’il n’est pas l’objet d’un savoir – qu’est-il donc ? Emmanuel Lévinas est le philosophe de l'éthique, sans doute le seul moraliste de la pensée contemporaine. L’éthique n’est ainsi pas une morale, mais elle est d’abord la prise en compte de l’autre, qui m’oblige à me mettre en question l’éthique est ouverture à l’humanité de la personne d’autrui, et cette ouverture, qui prend la forme d’une responsabilité infinie, est constitutive de mon humanité. L'éthique comme philosophie première. Frais de port : EUR 5,90. Dans L’être et le néant , Jean-Paul Sartre analyse longuement l’expérience du regard afin de faire apparaître toute la dimension de violence qu’il peut y avoir dans un regard et d’abord dans le fait qu’un regard posé sur moi m’objective – et éventuellement me fusille. Et toute signification, au sens habituel du terme, est relative à un tel contexte : le sens de quelque chose tient dans sa relation à autre chose. C’est pourquoi autrui m’appelle, demande ma protection. Le visage est signification, et signification sans contexte. Couverture souple. (2/4) : Le naturel existe-t-il ? La plus nue, bien que d’une nudité décente. Neuf. Dans un cas comme dans l’autre, j’accomplis le même acte : je dirige mon regard vers une réalité, la chaise, la table, ou vers une autre, le visage. La relation avec autrui n’est ni de l’ordre d’un voir ni de l’ordre d’un savoir, mais elle est de l’ordre d’un entendre. Mais Lévinas ici va plus loin que Kant. La Torah enseignée par Levinas est dérivée de ses leçons. Autrui ne peut pas être une partie d’une totalité qu’un savoir pourrait englober : « la signification du visage le fait sortir de l’être en tant que corrélatif d’un savoir. Mais la relation au visage est d’emblée éthique. Le personnage dont parle ici Lévinas, c’est le rôle social. Sa philosophie, emprunte de judaïsme et usant d’innovations langagières qui rendent notre première lecture difficile, ouvre pourtant une nouvelle voie : en faisant de l’Éthique, contre l’Ontologie, la philosophie première. Mais avant que je réponde à son appel, je peux constater sa vulnérabilité. En un sens on pourrait dire que non. « Le visage est signification, et signification sans contexte. Nous savons depuis Kant que la personne, par différence avec les choses qui sont pour nous des moyens, est unique, est non-interchangeable et que son unicité constitue ce que Kant appelle sa dignité. Regarder le visage d’autrui ce n’est pas seulement, pas premièrement observer une réalité qu’on pourrait décrire comme lorsqu’on fait le portrait d’une personne. Au contraire, la vision est recherche d’une adéquation ; elle est ce qui par excellence absorbe l’être. Il y a ainsi une énigme de l’autre. Diffusés sur France Culture aux mois de février-mars 1981, ces entretiens entre Philippe Nemo et Emmanuel Levinas, baptisés « Éthique et infini », ont été présentés comme un exposé de la philosophie de Lévinas. La subjectivité est investie d'une responsabilité totale. » Comment expliquer cette ambivalence ? Réécouter Pourquoi aimions-nous tant Jean-Pierre Bacri ? On peut remarquer qu’il y a en effet une rectitude du visage de l’autre qui se tient droit face à moi et me regarde droit dans les yeux . Mais surtout, si je peux être tenté de tuer autrui, c’est parce que le meurtre consiste à anéantir l’autre. La Bruyère, quel caractère ! - 2 citations - Référence citations - Citations Ethique et Infini (1982) Sélection de 2 citations et proverbes sur le thème Ethique et Infini (1982) Découvrez un dicton, une parole, un bon mot, un proverbe, une citation ou phrase Ethique et Infini (1982) issus de livres, discours ou entretiens. On ne peut pas, au sens rigoureux de ce verbe, connaître autrui, car connaître revient toujours à objectiver. Frédéric Worms, Philosophie Magazine Hors-série n°40 : Emmanuel LevinasPhilosophie Magazine, 2019, Totalité et infini : essai sur l'extérioritéEmmanuel LevinasLe Livre de Poche, 2009, Autrement qu'être ou au-delà de l'essenceEmmanuel LevinasLe Livre de Poche, 2008, Difficile libertéEmmanuel LevinasLe Livre de Poche , 2010, La philosophie en France au XXe siècle : momentsFrédéric WormsGallimard, collection Folio essais, 2009. C’est en s’interrogeant sur le sens de ce que Lévinas appelle le visage que l’on pourra préciser la signification du concept d’éthique. Frédéric Worms, philosophe, professeur de philosophie contemporaine à l’ENS, directeur adjoint du département des Lettres et membre du Comité consultatif national d’éthique, La force de Levinas, contrairement à ce qu’on pense souvent, n’est pas de mettre le rapport à autrui dans un au-delà inaccessible, dans une philosophie de la transcendance mais plutôt dans le quotidien. Le meurtre dit Lévinas dans Totalité et infini , est un acte banal. Encore aujourd’hui, on en a la trace. Son Œuvre, patiente et exigeante, a tracé le portrait de celui qui, dans l'éthique, règne en maître paradoxal: autrui. Dans ces films, un meurtrier renonce à tuer sa victime, parce qu’il la voit chancelante, ivre, fragile. Or, que révèle cette nudité ? Ethique et Infini. Qu’entend-il exactement sous ces mots, « le visage » et « éthique » ? Aussi paradoxalement dense que peut apparaître un texte si court, Éthique et infini nous a semblé d'une richesse très éclairante. En revanche, les choses que je perçois ne m’échappent pas. Je veux dire qu’autrui, dans la rectitude de son visage, n’est pas un personnage dans un contexte. L’expérience d’autrui est l’expérience d’une responsabilité infinie. Une dose quotidienne de culture et de savoirs. » Quatre traits distinctifs sont repérables : la droiture du visage (1), son exposition au regard (2) – et à la violence – donc sa vulnérabilité, sa nudité (3), qui est un dénuement, une pauvreté (4). Pourquoi aimions-nous tant Jean-Pierre Bacri ? DMT Dieu, la Mort et le Temps, Paris, Grasset, 1993. * Extrait d'un ouvrage en préparation : La Responsabilité éthique au risque de l'avenir. De Levinas exégète biblique: L'au-delà du verset. Ethique et infini, entretiens avec Philippe Nemo, Fayard, 2002. Mais tel n’est pas le cas d’autrui. Levinas avec Philippe Nemo (né en 1949, aujourd'hui professeur de philosophie politique et sociale, et historien des idées politiques français à l'ESCP Europe), sur plusieurs des grands thèmes de la